Un grand garage en sous-sol devient atelier.
C’est l’époque des grandes compositions, des grands formicas qui seront réalisés à l’usine Formica de Quillan.


Ce grand tableau (110 cms x 75 cms ) de Han Psi a, autour de son acquisition, une histoire qui m’est personnelle. J’aimerais raconter en quoi elle me rattache à son auteur comme peintre. Et m’attache à lui comme homme.
C’était en 1973, en Alsace, à Rouffach où l’épouse de Han Psi, Marguerite Colin, médecin, avait un poste hospitalier. Françoise et moi venions de Paris leur faire une petite visite, en ami de longue date pour moi qui connaissais les Colin, Michel et Marguerite, depuis notre rencontre de 1964, en Bretagne, sur la bizarre lande de Bégard (Oh menhirs, oh souvenirs ! …).
Très vite, à Rouffach, la décision de l’achat d’une œuvre et son choix furent arrêtés entre Michel Colin-Han Psi et moi. Cette œuvre n’était pas le tableau ci-dessus – que j’appelle ‘Écorces’, mais qui n’avait pas reçu de dénomination par son auteur. Je n’arrive plus du tout, sans doute pas sans raisons, à me souvenir du tableau que j’avais choisis d’abord, dont Han Psi m’avait pourtant, pendant la nuit, soigné tout spécialement l’encadrement. Au matin de notre départ de retour, ‘Écorces’ est venu s’interposer entre mon premier choix et moi. Pour quelle raison ?
Une jalousie, je crois, suscitée par la façon désirante que Han Psi avait de regarder ce tableau (comme involontairement, à la dérobée, avec précaution) plutôt que mon choix à moi.
‘Écorces’ m’apparut alors comme mieux réussi, plus apprécié par son auteur, plus valorisé de cette élection par lui. C’était idiot, mais, plutôt que de me fier à mon seul goût, j’ai ressenti comme un doute sur les valeurs artistiques respectives des deux tableaux. On dit que les chiennes de chasse distinguent naturellement par leurs soins, dans leur portée de chiots, celui ou celle qui a le meilleur potentiel de chien de chasse du groupe … Je pensai : il faut ainsi faire confiance à la pénétration esthétique des créateurs, à leur choix naturel spontané, surtout quand – c’était un peu mon cas – on a le sentiment de manquer de juste sens critique en la matière !
Argument supplémentaire, ‘Écorces’ venait occuper un espace symbolique fort chez moi. Je l’expliquai à Han Psi : Françoise et moi faisions partie des post-soixantuitards qui allions émigrer de Paris par un mouvement de retour vers la province, notre origine première à tous les deux. C’était en train de se préparer. Une maison nous attendait en Cévennes, au milieu de la bruyère, des pins et des châtaigniers. C’était ces écorces-là dont par anticipation son tableau me parlait, soutenait mon désir, indiquait et validait notre mouvement. Je pouvais trancher. Mon choix définitif était fait. Oui ?...
Gildas Le Bayon
Les Gypières, en Cévennes
Décembre 2018