L’œuvre graphique de Han Psi


Peintre ou graphiste ? Oriental ou occidental ? Si son œuvre et son pseudonyme parlent – et déguisent – Han psi, lui, se tait. Artiste, il est hors-les-mots. Œuvrer suffit, c’est-à-dire créer spontanément des volées de réponses. À d’autres le soin d’élaborer des questions qui leur correspondent approximativement… Tentons la gageure, le sacrilège, de cerner quand il faudrait n’être que concerné.


 Han Psi ne se reconnaît ni maîtres, ni disciples, tout juste quelques semblables et de lointains parents : dès le cinquième siècle de notre ère, en Chine, des calligraphes écrivaient le réel comme Han Psi décrit sa réalité intérieure. Mêmes jaillissements maîtrisés excluant le doute, l’hésitation, la gratuité ; mêmes soucis « classiques » de la rigueur et du soin dans l’expression ; même recours au contraste violent du noir et du blanc pour traduire l’essentiel, c’est-à-dire l’état du sentiment intérieur individuel qui rejoint et manifeste l’émotion collective latente : chez Han Psi, la modernité plastique rivalise avec l’intemporalité artistique.


 Étranger au goût de transmettre ce qu’il n’a reçu de personne, Han Psi peut faire l’économie d’une théorie esthétique et de principes méthodologiques. Seules existent la passion d’une règle d’action primordiale et la patience d’un énorme et minutieux travail. La règle ? C'est l’abandon au mouvement spontané imprimé au corps par le souffle vital même. Pour Han Psi, le geste créateur originel est un engagement inconscient, toute intentionnalité pouvant faire avorter l’ébauche de ce qu’il découvre et reconnaît alors pour la manifestation achevée ou approchée d’une œuvre véritable. Passivement informé par ce premier parcours gestuel, Han Psi va ensuite activement faire sortir de cette matrice dynamique toutes les œuvres-échos de la princeps qu’elle contient. Épuisée progressivement, la série s’éteint, de laquelle Han Psi retiendra un exemplaire ou deux, rarement plus, et détruira – par dizaines – tous les autres. Par la suite, il attendra l’irruption d'un autre geste matriciel, etc.


 Le résultat est étincelant de puissance vive et d’accomplissement formel. Depuis les idéogrammes stratifiés sur formica des débuts, l’œuvre de Han Psi s’est magnifiquement affirmée en s’affranchissant d’un carcan symbolique. La fougue libérée des derniers « paysages », que l’artiste souhaite voir achevés par l’imagination projetée des spectateurs, souligne notamment son empire croissant sur l’espace, la richesse et la subtilité de son inspiration.


Gildas Le Bayon



 


 




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